©VILT / Jerom Rozendaal
Le premier confinement en mars n’était pas une raison pour céder à la panique chez Drieghe Azalea. Les plantes ont été mises en chambre froide pour ralentir leur floraison, et la vente aux particuliers a été intensifiée rapidement. Globalement, l’année du coronavirus a été une bonne année. Les producteurs voient l’avenir en rose, et le marché des azalées est en pleine croissance.
Faut-il s’adresser à Ellen Mallems et Jeroen Drieghe, de Drieghe Azalea pour une formation en gestion de crise dans l’horticulture ? Ce couple ne le pense pas. « Nous avons agi logiquement, et nous referions la même chose. Notre grande chance, c’est qu’en mars, une grande partie de notre production était déjà vendue », explique Jeroen Drieghe.
Comme pour de nombreux producteurs de fleurs, le coronavirus a eu l’effet d’une bombe. « Juste après le confinement, nous naviguions à l’aveugle. Cela n’était encore jamais arrivé, et nous ne savions pas quoi faire », explique Jeroen, qui a repris l’entreprise de son père en 2008. Une semaine plus tard, alors qu’il y voyait un peu plus clair, le producteur a réagi. Il a décidé de freiner la floraison de ses azalées, en raison de la fermeture des magasins et des frontières, ce qui supprimait tout débouché ou presque.
En mars, au début du confinement, la chambre froide était remplie de conteneurs verts, où les azalées sont restées six semaines.
Freiner le processus de floraison
Freiner la floraison est chose courante. Mieux encore, cela fait partie du modèle d’entreprise des producteurs d’azalées. Mettre les plantes en chambre froide induit une hibernation. La stratégie inverse est de sortir les azalées de leur hibernation à l’aide de chauffage et d’éclairage artificiels. C’est ce que l’on appelle le forçage. Ces deux méthodes, et le fait de travailler avec des variétés précoces et tardives, permet d’avoir des plantes en fleur d’août à mai.
« Les azalées peuvent rester en chambre froide jusqu’à deux mois », poursuit Jeroen, qui n’a donc pas paniqué. « Nous ne prenions un risque qu’avec les azalées qui venaient de fleurir. Une fois la floraison amorcée, elles doivent être vendues dans les deux semaines, sinon elles finissent à la poubelle. » C’est Ellen qui a trouvé une solution à ce problème : « Nous avons accéléré le mouvement au niveau de la vente aux particuliers, en combinaison avec les livraisons à domicile », explique-t-elle.
Ellen est responsable de la vente aux particuliers, et s’est chargée des livraisons à domicile lors du premier confinement.
Explosion des ventes aux particuliers
Ellen avait créé le site internet de l’entreprise deux ans auparavant, ce qui a permis une activation en souplesse de la vente en ligne aux particuliers. « J’ai fait beaucoup de publicité sur Facebook, pour toucher de nouveaux clients. Facebook est devenu une partie de ma vie. Nos publications ont été largement partagées, ce qui a renforcé notre canal de vente en ligne. La séquence sur notre entreprise diffusée sur PlattelandsTv a elle aussi contribué à notre notoriété. »
En mars et avril, Ellen s’est rendue chez plus de 300 personnes en Flandre orientale. « La solidarité était grande, et les gens voulaient se soutenir en offrant des fleurs. J’ai ainsi livré de nombreuses azalées chez des gens à la demande d’autres personnes. Les entreprises aussi, nous ont acheté beaucoup de fleurs, pour remercier leur personnel pendant le confinement. »
Ellen considère cette période intense avec satisfaction. « C’était une période très agitée. La vente en circuit court et la livraison à domicile, cela demande beaucoup de temps et de préparatifs, mais c’était très agréable à faire. » Et pour changer, les rôles étaient inversés dans l’entreprise : tandis qu’Ellen était sur les routes pour ses livraisons, Jeroen était à la maison avec les enfants. « Une fois les plantes en chambre froide, il n’y avait plus grand-chose à faire », explique-t-il.
Jeroen a repris l’entreprise de son père Marc en 2008. Marc est encore présent dans l’entreprise tous les jours, pour soutenir son fils et sa belle-fille.
La crise sanitaire, un point critique
En décembre 2020, la vie des producteurs revient à son rythme normal. La vente aux particuliers (désormais sur commande, en raison du coronavirus) est à nouveau plus calme, bien que le volume soit plus élevé qu’avant la pandémie. Pour certains clients, passer une commande ou convenir d’un rendez-vous représente un seuil. Mais d’ici quelques mois, lorsque les mesures sanitaires auront été adoucies, Ellen veut relancer les ventes à domicile mensuelles.
Malgré, ou peut-être grâce à la crise sanitaire, le couple est satisfait de la saison 2019-2020. Six semaines après le confinement, le commerce a repris ses droits, et deux semaines plus tard, toutes les plantes de la chambre froide étaient vendues. « L’année se termine bien, comme l’an dernier », ajoute Jeroen.
Le coronavirus pourrait signifier un tournant pour les azalées, selon le couple. « L’azalée avait un caractère quelque peu vieillot, surtout en Belgique, mais la crise sanitaire a ravivé l’intérêt pour cette plante », estime Ellen. « J’ai reçu des photos de clients totalement fascinés par les boutons en floraison. En raison de la crise sanitaire, les gens ont eu le temps de profiter de leurs plantes, alors qu’ils en ont à peine l’occasion en temps normal. »
La serre en polycarbonate a été aménagée il y a trois ans. Elle abrite aujourd’hui les plantes pour la saison 2021-2022.
Le retour de l’azalée
Selon Jeroen, la reprise du marché des azalées s’est annoncée l’an dernier déjà. La région de Gand était autrefois l’épicentre d’une production florissante d’azalées en Europe. C’est toujours le cas, mais les ventes d’azalées ont fortement diminué. Dans les années 1980, le marché européen représentait 90 millions de plantes, et plus de la moitié provenait de Gand et des alentours. À l’heure actuelle, la production européenne est estimée à 25-30 millions de plantes, et la Flandre orientale est le fournisseur de la Cour. Selon les chiffres officiels, le nombre de producteurs d’azalées est passé de 481 en 1980 à 133 en 2010 et 74 en 2018.
Drieghe Azalea n’emploie pas d’ouvriers externes, ce qui a permis à l’entreprise de limiter les frais, et donc de garder la tête hors de l’eau pendant la crise, selon Jeroen. Il a également remarqué que de nombreux producteurs d’azalées arrêtaient, ou passaient à une autre culture. « Rien qu’en 2020, la production a chuté de 10 % par rapport à 2019 », déclare-t-il. En raison de la forte diminution de l’offre, le secteur s’est soudainement retrouvé face à une demande accrue, avec de meilleurs prix à la clé. L’institut de recherche ILVO avait déjà constaté que pour la production d’azalées, la crise semblait passée.
Linde de Lo
Le couple envisage l’avenir avec confiance. Ce n’est pas pour rien qu’il y a trois ans de cela, ils ont investi dans une serre en polycarbonate de 8 000 m², qui abrite aujourd’hui les plantes de la saison prochaine. « Cette serre permet une meilleure ventilation, et les plantes poussent mieux. Auparavant, les plantes étaient au même endroit, mais en plein air, et nous devions les rentrer lorsqu’il gelait la nuit. Ce n’était pas pratique », explique Jeroen. Bien qu’il s’agisse d’une culture froide, les plantes d’intérieur ne supportent pas le gel.
Jeroen et Ellen produisent une trentaine de variétés d’azalées sous 2,5 hectares de verre, ce qui permet de bien étaler la période de floraison. L’un des cultivars populaires est le Linde de Lo, qui doit son nom à la fille du couple. La plante, qui fleurit à Noël (en même temps que Linde fête son anniversaire), est le résultat de la passion pour l’amélioration des plantes de Marc et Jeroen. « 20 % de nos azalées sont des variétés propres, également cultivées par d’autres producteurs », explique Jeroen.
Les boutures sous serre, qui bénéficient d’une meilleure chaleur, commencent déjà à prendre racine.
Recyclage des flux résiduels
La prochaine étape voulue par l’entreprise concerne l’installation d’un système de recyclage de l’eau, prévue l’an prochain. « Ce système filtre les résidus, ce qui nous permet de réutiliser l’eau et d’éliminer les déchets de manière durable », explique Jeroen. Pour le moment, les flux résiduels sont encore destinés à l’agriculture, ce qui est autorisé par la loi. « Mais dans six ans, ce ne sera sans doute plus le cas », ajoute le producteur qui veut être prêt avant cela.
Jeroen et Ellen envisagent l’avenir avec confiance.
Lors de notre visite, le premier compartiment de la serre était rempli de boutures. Une fois bouturées, les plantes vont sous plastique, afin de mieux garder la chaleur et l’humidité, et s’enraciner plus rapidement. Jeroen explique que chaque année, il applique le même programme de culture, et produit les mêmes variétés selon les mêmes volumes. « Les clients savent où nous trouver pour ces produits. »
Pour Drieghe Azalea, la seule conséquence de la crise sanitaire concerne l’absence de contrats précoces. « Certains commerçants réservaient un certain lot pendant une période donnée un an à l’avance. En raison de la crainte engendrée par le coronavirus, ces commandes n’ont pas eu lieu. » Le producteur part toutefois du principe que l’an prochain également, ses plantes trouveront le chemin du consommateur. « Que pourrait-il y avoir de pire que ce premier confinement ? », se demande-t-il.